Accès aux services sociaux de base

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Présenter les problématiques majeures auxquels se trouve confrontés les PA pygmées, nous oblige à aborder non seulement le contexte général dans lequel ils évoluent en RDC, mais aussi les contraintes qui minent leurs efforts de survie dans des zones qui attirent toutes sortes de convoitises. Seront également épinglées quelques opportunités et perspectives d’avenir. Tous ces aspects méritent d’être abordées en vue de permettre à chacun d’avoir une vue d’ensemble sur l’ampleur et toutes les facettes de la problématique.

Depuis des temps immémoriaux, les PA pygmées ont toujours vécu en harmonie avec la terre, la forêt et les ressources qu’elles contiennent. Les pratiques traditionnelles liées à la chasse, à la pêche, à la cueillette de fruits sauvages et de plantes ainsi que celles liées à la préparation des produits de la pharmacopée, au développement de multiples techniques de préservation des espèces et à la mise en place des structures traditionnelles de gestion ont grandement contribué à la survie de leurs communautés.

L’établissement de l’Etat moderne survenu avec l’arrivée du colonisateur sur les terres congolaises avait complètement ébranlé l’organisation sociale et environnementale traditionnelle des PA pygmées en imposant à ces derniers des modèles religieux, sociales, économiques et politiques qui s’avèrent aujourd’hui incompatibles avec leurs propres valeurs morales et coutumières. Malgré ces bouleversements majeurs, les PA pygmées ont su protéger et conserver leurs valeurs et pratiques traditionnelles liées à l’occupation du territoire. La terre, la forêt et d’autres ressources naturelles qu’elles portent sont toujours au cœur de leur identité culturelle et c’est la raison pour laquelle il est impératif de les protéger en s’assurant d’appliquer, entre autres, ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui une véritable politique de développement durable.

Au cours des trois derniers siècles, les PA pygmées ont fait face à de nombreux autres bouleversements. En plus de la prise de contrôle de leurs terres par le gouvernement colonial et actuel par le biais de l’imposition des lois écrites ou modernes au détriment de leurs us et coutumes non-écrites, des domaines où les PA pygmées avaient leurs propres expertises telles que l’éducation des jeunes aux techniques de survie dans une zone hostile à l’homme ordinaire, la santé, l’économie autarcique et l’environnement, ces dernières se donnent encore beaucoup de peine à survivre aux nombreux bouleversements comme la pratique de coupes forestières draconiennes, la chasse et l’agriculture intensives, l’industrialisation et l’urbanisation accélérées, le développement de grands projets dits « de développement » sur leurs terres ancestrales, la prolifération des aires protégés et des concessions privées donnant ainsi accès à leurs territoires traditionnels et bien d’autres. Des événements particuliers viennent aussi expliquer, en grande partie, les difficultés rencontrées aujourd’hui par les PA pygmées dans différentes zones de la RDC, notamment les déplacements forcés dus par les conflits armés et les conflits communautaires sur fond des intérêts économiques, du contrôle des terres arables et regorgeant des matières premières stratégiques.

Malgré les ruptures non intentionnelles avec leurs territoires traditionnels dont les PA pygmées ont souvent fait l’expérience et l’imposition de lois et règlements par les gouvernements successifs sur ces territoires, les PA pygmées croient qu’il est primordial de préserver et protéger leur lien sacré avec leurs terres ancestrales. Le respect des écosystèmes et de la biodiversité dont ils font partie intégrante est essentiel pour que toutes leurs connaissances endogènes, ainsi que leurs pratiques culturelles et économiques (le troc à titre d’exemple) contribuent à la préservation des espèces et à la survie de leurs communautés.

Dans une courte période de temps (plus ou moins deux siècles), les PA pygmées sont passées d’un rôle de gestionnaire et de gardien du territoire et de ses ressources, à la mise sous-tutelle à travers des lois modernes favorisant largement les intérêts économiques de l’Etat et des investisseurs agréés par lui au détriment des populations autochtones. Depuis ce temps, les territoires ancestraux des PA pygmées et leurs ressources sont exploités par des tierces parties sans le consentement des communautés qui ont su les gérer et les préserver durablement, et de surcroit, sans contrepartie conséquente.

Convaincus qu’il serait illusoire de ramener les choses à leur situation d’origine, les PA pygmées demeurent confiantes de pouvoir entretenir une relation de reconnaissance et de respect mutuel avec les divers acteurs étatiques, sociaux et privés, tout en espérant que leur communauté pourrait jouer un rôle primordial en contribuant à l’application de méthodes concrètes de développement durable plus respectueuses de l’environnement sur l’ensemble des territoires ancestrales qui ont été expropriées et qu’elles sont prêtes à partager équitablement dans l’intérêt des uns et des autres, y compris pour les générations futures.

D’un point de vue général, il est évident que les peuples autochtones sont confrontés à plusieurs problèmes d’ordre politique, économique, social, culturel et même éthique (moral). Leurs problèmes extrêmement complexes se situent à plusieurs niveaux : qu’il s’agisse des grands enjeux de l’heure liés à l’environnement, au changement climatique, au développement durable, à la vulnérabilité de l’homme face aux aléas climatiques, à leur qualité de vie, aux droits humains, à l’expropriation de leurs terres ancestrales, etc., tous ces problèmes semblent être influencés par l’orientation des politiques nationales, le non-respect des droits universels et des mesures de protection des PA tels que prônées par les textes juridiques internationaux ou régionaux ratifiés par l’Etat Congolais, le non-respect des engagements internationaux justifiant leur non-prise en compte effective par certains programmes de développement découlant des Accords Bilatéraux ou Multilatéraux, etc.

Dans nos descriptions des défis majeurs auxquels sont confrontés les PA pygmées, d’autres problèmes sous-jacents méritaient d’être pris en considération et qui justifieraient leur situation actuelle ou leur qualité de vie en RDC, parmi lesquelles ont été épinglés : l’égocentrisme de décideurs, la corruption (eu égard au classement de la RDC à la 6e position, l’un des pays les plus corrompus du Monde selon Transparancy International), les détournements des deniers publics à grande échelle, l’impunité, le tribalisme, le trafic d’influences, les conflits armées et l’insécurité créés sur fond des intérêts économiques ou politiques, le bradage des ressources naturelles, le clientélisme, la mégestion, l’incapacité ou incompétence de certaines autorités locales et agents de l’administration public, l’ignorance du rôle des décideurs et de la société civile dans l’impulsion du développement local, l’inadaptation de certains outils techniques, l’accès difficile aux connaissances et aux NTICs, etc.

Tous ces problèmes qui soulèvent des multiples questions méritent de trouver des solutions adéquates à travers d’autres outils de planification stratégique, notamment le plan global de la DGPA qui devraient s’arrimer à d’autres documents stratégiques du gouvernement, espérant ainsi faciliter la prise en compte des intérêts des PA pygmées dans chaque secteur de la vie nationale, conformément à leurs préoccupations majeures et à leurs aspirations.

Sur ce, en tant que plateforme des organisations des PA pygmées le postulat de la DGPA repose sur les idées selon lesquelles depuis son accession à l’indépendance, la RDC a toujours expérimentée plusieurs tentatives visant à impulser un développement intégral susceptible d’assurer le bien-être de sa population, sans forcément se lancer dans une analyse approfondie de tous les facteurs pouvant expliquer son sous-développement actuel. Face à une économie de marché mondialisée qui a toujours tendance à placer la richesse ou les intérêts économiques au-dessus de tout autre valeur (y compris au-dessus des hommes), une meilleure prise en compte des droits humains, économiques, sociaux et culturelles ainsi qu’une gestion rationnelle des ressources impliquant avant tout la prise en compte des intérêts des acteurs locaux pourrait conduire à une nette amélioration de la situation des communautés dépendantes de ces milieux. Bien entendu, la bonne gouvernance joue également un rôle très important dans ce développement tant attendu, car, nous osons croire que si les peuples autochtones et communautés locales gèrent bien leurs affaires locales par le biais de leurs structures de base dans le respect de leurs aspirations profondes, il pourrait y avoir une amélioration sans précédent de leur qualité de vie.

Eu égard à tout ce qui précède, une liberté de pensée a été accordée aux animateurs de la DGPA et aux communautés concernées à tous les niveaux pour contribuer à la conception des outils de planification stratégiques, y compris des outils d’information et d’aide à la décision à l’instar de cet atlas, à partir desquels découleront des programmes ou projets compatibles avec les attentes des communautés ciblées, de manière à faire participer ces derniers dans la prise en charge leurs propres problèmes, notamment celui de développer leurs entités locales en partageant équitablement les bénéfices avec d’autres acteurs, sans détruire leur environnement, sans compromettre ses capacités à se régénérer, tout en leur permettant par cette occasion de surmonter les grandes difficultés face auxquelles ils ont toujours été confronté à tous les niveaux et de contribuer ainsi au développement national, voire à la sauvegarde de la planète dans l’intérêt de l’humanité toute entière et des générations futures.