Atlas monographique des Peuples Autochtones Pygmées en République Démocratique Du Congo

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PRESENTATION DE L’ATLAS

Il est évident que la cartographie permet de localiser et d’analyser des formations spatiales. Qu’il s’agisse d’une carte topographique, thématique ou de synthèse, une carte est avant tout un outil de communication et d’aide à la décision à l’usage des membres des communautés, des politiques, chercheurs, géographes, historiens, aménageurs des espaces, industriels, investisseurs, techniciens en développement, anthropologues, ethnologues, journalistes, enseignants, étudiants, publicitaires, artistes, etc. Les planches des cartes, les images, les légendes et les textes qui s’y rattachent dépendent de l’information à communiquer, tout autant que des acteurs qui les créent, les diffusent, les reçoivent et les utilisent.

Cet outil scientifique, sur la localisation et monographie des peuples autochtones pygmées (PAP) en République Démocratique du Congo (RDC), la présentation de leur problématique, la mise en valeur de leur culture, de leurs  pratiques traditionnelles et savoirs endogènes, livre des informations ordonnées sur l’historique et les différentes types  d’occupation des espaces par les autochtones pygmées en RDC, sur leur mode de vie, sur leur culture et attachement à la forêt, sur les défis et problèmes auxquels ils font face sur l’ensemble du pays et sur les pistes de solution susceptible de renfoncer la cohésion nationale malgré la diversité culturelle.

En se référant à ces différentes données, les acteurs à qui elles sont destinées comprendront mieux la spécificité de certains espaces géographiques où sont localisés les peuples autochtones pygmées en RDC, devenant ainsi capables d’identifier non seulement leur localisation exacte (données géo-référencées à l’appui), mais aussi de les nommer, de connaitre leurs formes, leurs limites, de décrire leurs historiques, leurs états des lieux, leurs situations juridiques actuelles, mais aussi de mettre en relation les divers facteurs qui expliquent les différents problèmes qui affectent ces espaces, tout en représentant schématiquement leur configuration spatiale (aménagement).

En se familiarisant progressivement avec cet outil, les acteurs avides d’informations relatifs aux peuples autochtones pygmées en RDC auront la facilité de rassembler d’autres documents scientifiques ou techniques à partir d’un sujet précis en se focalisant sur une thématique y relative, de les localiser dans l’espace aussi bien dans leur configuration actuelle que passée, de les questionner, d’émettre des hypothèses, de les confronter à d’autres documents qu’ils auront rassemblés, aux fins de réaliser une courte synthèse individuelle vérifiable, de communiquer clairement autour des connaissances qu’ils auront acquises et de les argumenter dans l’optique d’influencer la position des décideurs ou des autres acteurs concernés par les espaces où vivent les peuples autochtones  pygmées sur toute l’étendue nationale ainsi que sur leur situation de vie en général.

Cet outil qui fournis les premières informations de base à la fois géographique, scientifique ou technique permet de poser un regard sur les espaces vitaux des peuples autochtones pygmées tels qu’organisés par l’Etat Congolais et les sociétés humaines qui y interviennent sont une forme, certes modeste, mais très pertinente de l’esprit analytique et critique portée par la société civile environnementale à laquelle la Dynamique des Groupes des Peuples Autochtones (DGPA) est partie prenante, à travers son screening (monitoring) au point d’en faire un outil indispensable à tout citoyen Congolais soucieux à la fois de mieux connaitre les réalités du Congo profond lié à son peuplement, aux droits des communautés sur ces espaces et les ressources qu’elles renferment et de s’ouvrir sur le monde forestier en général, c’est-à-dire d’être capable de comprendre les écosystèmes de son pays, sa biodiversité, la façon dont l’Etat Congolais ainsi que les communautés gèrent ces espaces et ses interactions avec d’autres acteurs du monde contemporain, en vue d’agir sur ces derniers en toute liberté, responsabilité et en parfaite connaissance de cause. Ce qui à la longue permettra à chaque lecteur d’être un éco-citoyen conscient, présent et actif au sein de la société dans laquelle il vit.

Bien entendu, l’autre finalité de cet outil est aussi de permettre à l’autochtone pygmée originaire de ces espaces ancestraux, en tant que centre d’intérêt, d’être lui-même capable d’identifier ces espaces, de les nommer, de les localiser, de présenter leur historique, leur situation actuelle et les défis auxquels ils sont confrontés aux fins de mieux défendre leurs intérêts face à d’autres groupes, pour le bien-être des générations actuelles et futures.

Aussi, cette seconde édition de l’Atlas monographique des peuples autochtones pygmées en RDC est conçue sans vouloir expressément préjudicier d’autres outils similaires préexistants portés par le gouvernement de la RDC et auxquels ont déjà contribués plusieurs acteurs, notamment les Experts des services techniques attachés aux différents ministères chargés de l’élaboration des documents stratégiques du gouvernement, de même que les professeurs et chercheurs en Sciences spécialisées ou appliquées pris comme consultants. Elle est également sans préjudice aux droits fondamentaux des peuples autochtones pygmées, ni à d’autres travaux scientifiques ou techniques portés par les acteurs de la société civile environnementale nationale ou internationale engagés dans des processus de plaidoyer et des négociations climatiques (globales ou territoriales) en faveur des peuples autochtones et/ou des communautés locales (COLO).

En fédérant nos efforts dans un plaidoyer soutenu auprès des décideurs grâce aux renseignements fournis à travers cet outil, des actions bien ciblées pourraient à la longue permettre aux peuples autochtones pygmées de jouir suffisamment de leurs espaces et des ressources qu’elles renferment (dans la mesure du possible), en parfaite harmonie avec les autres affectations ou orientations que l’Etat Congolais envisage sur ces mêmes milieux. À ces efforts doivent s’ajouter d’autres actions visant à assurer la qualité, la fiabilité, l’exhaustivité et la cohérence des données et des informations diffusées à travers cet outil.

Nous souhaitons que ce document encourage les peuples autochtones pygmées et les communautés locales à développer des réflexions sur leur rôle et leurs responsabilités dans la préservation des différentes forêts ainsi que leurs espaces pour un développement durable dans toutes ses composantes (secteurs forêts, foncier, agriculture, mines, hydrocarbures, infrastructures, industrie, etc.) tout en les assumant pleinement. C’est aussi dans cette perspective que nous avons produit une seconde édition de cet Atlasen espérant qu’il suscite la prise de conscience des acteurs et des décideurs et qu’il soit suffisamment utilisé par le gouvernement comme un canevas d’aide à la décision avant de lever des options importantes dans différents secteurs de la vie nationale susceptibles d’impacter les espaces et la survie des peuples autochtones pygmées en RDC.

LOCALISATION ET MONOGRAPHIE DES AUTOCHTONES PYGMEES EN RDC

Sur toute l’étendue du territoire national, les peuples autochtones pygmées sont localisés dans 22 sur 26 provinces que compte la RDC, dans 55 sur 147 territoires (soit 37,9 %), dans 140 sur 737 secteurs/chefferies (soit 18,9 %), dans 338 sur 5397 groupements (soit 6,3 %) et dans dans 511 localités et 1030 campements.

De façon générale, environs 70 % de la population congolaise dépendent des forêts pour leur survie. Ils puisent dans la forêt diverses ressources à la fois pour la subsistance et la commercialisation. Plus spécifiquement, la survie des peuples autochtones pygmées qui y habitent dès les origines de la création dépend totalement des forêts et des ressources naturelles qu’elles contiennent. Pour la majorité des populations vivant en zones rurales, le bois d’œuvre et le bois de chauffage procurent 80 % de l’énergie domestique et servent à la construction des maisons d’habitation, des pirogues, l’ameublement, l’outillage, l’ornement et l’artisanat parfois pour procurer des revenus aux ménages. Bref, le bois tiré des forêts reste la principale source d’énergie économiquement accessible et le principal matériau de construction et d’ameublement culturellement accepté dans toutes les zones rurales, y compris les centres urbains. A côté des fonctions essentiellement socioéconomiques, les forêts assurent aussi d’autres fonctions touristiques, récréatives, écologiques, morales et religieuses, malheureusement, l’arsenal juridique ne favorise pas suffisamment la prise en compte de toutes les fonctions ou de toutes les valeurs susmentionnées. Or, dans des zones périurbaines où la concentration démographique est forte, les techniques agraires et pratiques qui demeurent rudimentaires explique le faible rendement de certaines activités de subsistance, obligeant ainsi les communautés de redoubler d’efforts pour développer et inventer d’autres stratégies pour accéder aux ressources qui se raréfient continuellement.

S’agissant spécifiquement des peuples autochtones pygmées qui mènent encore un mode de vie traditionnel, ils sont connus pour leurs étonnantes prédispositions naturelles à ne prélever que les ressources dont ils ont besoin pour assurer leur survie au quotidien. Sur le plan alimentaire, le gibier fournit la principale source de viande dans les zones forestières ainsi que pour permettre à certains ménages d’avoir des revenus monétaires nécessaires, si modiques soient-ils, compte tenu du fait que les PA pygmées vendent souvent leurs produits de chasse à des intermédiaires (Bantous) qui ne leur facilitent pas toujours un accès direct aux grands marchés. Chasseurs naturels et excellents pisteurs de gibiers, les PA pygmées maîtrisent les sanctuaires ainsi que le cycle de régénération de plusieurs espèces animales. Malheureusement, les pressions exercées sur les forêts et la chasse incontrôlée font éloigner de plus en plus les espèces jadis nombreux dans les aires de peuplement des PA pygmées. Aussi, certains produits forestiers non ligneux tels que les chenilles, champignons, miel, ignames sauvages, noix de cola et certains produits de pharmacopée, devenus rares, constituent d’autres produits à forte valeur nutritive, médicinale et importantes pour l’économie locale.

Le mode de vie traditionnel vécu par leurs ancêtres est aujourd’hui en pleine mutation, compte-tenu de plusieurs facteurs extérieurs, notamment la pression croissante sur les forêts où ils habitent (l’exploitation industrielle et artisanale du bois, la pression démographique (notamment à l’Est), l’accaparement des terres par les élites, l’exploitation minière, l’érection des aires protégées, les prospections des hydrocarbures, le choc des cultures se soldant par la prépondérance des droits et coutumes des groupes dominants), etc. Ayant longtemps mené une vie d’itinérance, leur sédentarisation a fini par les rendre dépendants vis-à-vis des agriculteurs bantous ou soudanais, ainsi que de certaines familles ou chefs traditionnels auxquels ils sont assujettis. Aussi, leur précarité socioéconomique augmente au même rythme que les dénis de droits auxquels ils font face. Actuellement, ils sont indéniablement une composante minoritaire de la société congolaise repartie dans différentes provinces de la RDC. Néanmoins, ils sont majoritaires dans certains territoires, tel qu’à Ingende dans la province de Mongala et autres.

Dans les zones où les PA pygmées sont en conflits ouverts avec certaines communautés dominantes (cas du Tanganyika) leur situation sécuritaire, politique et socioéconomique se complique davantage depuis l’aggravation des conflits identitaires ayant pour fondement les conflits fonciers et coutumiers. Globalement, quel que soit l’endroit où ils partagent les mêmes espaces avec d’autres communautés, ces derniers sont souvent victimes de stéréotypes négatifs, comme peuvent l’attester certains sobriquets utilisées dans différentes provinces : « Bayanda » (ceux qui volent), « Batoua » (sauvages ou ceux qui ne sont pas civilisés), « Bambola » (ceux qui dégagent une mauvaise odeur), « Batembo » (ceux qui pratiquent la sorcellerie), « Beko » (Créatures qui font peur). Cependant, d’autres sobriquets sont plutôt des éloges : « Batuabuki » (ceux qui fournissent le miel), « Benakiyombo » (ceux qui aiment la brousse), « Bashimbi » (chasseurs des animaux)…